Trop longtemps la femme a été cantonnée à un rôle de mère de famille et de femme au foyer, non négligeable ni méprisable à la condition de ne pas être considéré comme exclusif. Durant la première guerre mondiale les femmes ont été obligées de remplacer les hommes partis au front et ont ainsi démontrées qu’elles étaient tout à fait capables de travailler et de faire jeu égal avec eux. Une première barrière était tombée et cela venait renforcer la volonté du « sexe faible » à prendre sa part dans le monde du travail, à y occuper une place de premier plan. L’émancipation féminine commencera alors et se poursuivra tout au long du siècle. Dans les années cinquante, on observe la naissance de ce que l’on nommera bientôt le prêt-à-porter. La mode change alors du tout au tout sous l’impulsion de quelques créateurs et créatrices de mode. A commencer par Gabriel Chanel qui, revenue sur le devant de la scène dès 1954, déconstruit littéralement les canons de la mode féminine pour imposer des vêtements près du corps et façonner ainsi la silhouette androgyne de la femme moderne. C’était là l’émergence d’un style vestimentaire que l’on qualifiera bientôt de de Working Girl, suivant l’expression anglo-saxonne. La génération des Working Girl se devait de faire tomber toutes les barrières, y compris vestimentaires, et de démontrer aux hommes sa capacité à les égaler en tous points. L’intégration de la chemise dans les vestiaires féminins a été, à cet égard, un acte symbolique à forte portée.
En effet, depuis plus d’un siècle maintenant, la chemise était devenue l’apanage de la mode masculine et pour tout dire, son emblème. Elle tenait alors, et tient encore, une place essentielle dans les garde-robes masculines. Les hommes citadins ne s’en passaient qu’en de très rares occasions et les habitants des campagnes la revêtaient systématiquement le dimanche. La femme avait quant à elle le choix d’un ersatz de chemise : le chemisier. Cette pièce du vestiaire féminin qui ne démérite pas plus qu’elle ne manque de charme, n’était pourtant pas tout à fait raccord avec une époque où la femme, à l’égal de l’homme, investissait le marché du travail. Adopter une chemise c’était s’approprier une certaine attitude et assumer le rôle que l’on a choisi de jouer dans la société. Il était donc symboliquement très important que la femme s’empare des attributs de la mode masculine pour signifier leurs compétences égales. D’autant plus que la chemise offrait déjà tous les avantages qu’on lui connait aujourd’hui. Elégante et habillée, elle se porte en toutes circonstances et se marie avec toutes les tenues. On la portera sous un tailleur aussi bien que sur un jean. On la boutonnera jusqu’au col pour un look strict et l’on n’aura qu’à la déboutonner un peu pour la rendre sexy et décontracter. Car enfin il y à mille manières de porter une chemise et c’est bien là ce qui fait tout le charme de cet accessoire désormais androgyne, qui se joue des codes masculins/féminins en toute élégance.
En quelques années, la chemise femme est devenue plus qu’un simple vêtement, un véritable emblème ! Celui de la femme libérée, émancipée de la pesante tutelle masculine, de la femme qui maîtrise sa vie tout comme sa carrière, en un mot, l’emblème de la génération Working Girl. Une génération bien dans sa peau et bien dans ses fringues, qui assume parfaitement sa féminité sans rien renier de son indépendance. Une véritable révolution qui commence côté vestiaire